Eglise de Saint-Barnard Détails

Par Jean-Francois Reynaud Professeur Honoraire des Universités

Une église du val de Saône, en pierre, très reconstruite qui conserve des chapiteaux du XIe siècle

Historique

Selon M.-Cl. Guigue (Topographie historique), le nom primitif de cette paroisse était Spinosa, (« super flumen Seonnam in loco qui vulgo nuncupatur Spinosa ») celui de Saint-Bernard l’ayant remplacé au XIe siècle A cette date l’église dépendait de l’abbaye Saint-Barnard de Romans qui en conserva le patronage jusqu’à la Révolution. Cette situation remontait à saint Barnard lui-même, fondateur de l’abbaye d’Ambronay dont dépendait le monastère de La Bruyère et de Saint-Barnard de Romans (vers 839). Les donateurs sont nombreux au XIe siècle : un certain Gauthier et sa femme cèdent en 1032 les revenus de Saint-Cyprien de Bey, un autre Gauthier se désiste en 1056 de toutes ses prétentions sur l’église, un prêtre nommé Théobert fait dons de tous ses biens enfin Guichard de Montmerle et sa femme font don en 1086 de la moitié des droits paroissaiux de Saint-Didier de Formans. L’église reçut en 1231 un legs d’Uldric Palatin « pour réédifier la coiffe ou grotte (cufiam sive crotam) qui est au-dessus de l’autel ». Il y avait un autel dans le chœur « au-dessous du grand autel à main gauche », sans fondation en 1614. Au nord de la nef, se trouvait, à la même date, la chapelle de Notre-Dame, fondée par André Perret. En 1654. « La nef de l’églize est lambrissée en bon estat. La coquille du cœur menace ruine, la voute ayant veue en plusieurs lieux. Sur le grand autel de l’églize est un tabernacle de pierre peinte ». L’église était la chapelle du château situé à proximité et la paroisse dépendait du Franc Lyonnais.
Le clocher arasé sous la Révolution, fut restauré en 1806-1807. L’ancienne abside est décrite ainsi vers 1850 : « Le choeur de ce monument et l’arceau qui le précède est d’un pur byzantin, les colonnettes et les croisées y seraient dignes de remarque sans un fâcheux plâtrage et badigeon dont on les a couverts, triste antécédent que le goût de l’administration actuelle devrait faire disparaître ». L’église, surtout le chœur et l’abside, semble avoir été construite sur un terrain instable, ce qui expliquerait la place du clocher en façade et surtout la reconstruction de l’abside au XIXe siècle, crevassée de toute part, à la voûte et dans les murs. Cette reconstruction fut étudiée par l’architecte de Lyon F. S. Reboul et les travaux furent adjugés à l’entrepreneur Claude Baudy de Reyrieux (avril 1879). On construisit à la même occasion, la sacristie nord. Peu après, en 1882, on construisit la sacristie sud pour épauler davantage le chœur, et, en 1889, on fit une sorte de chaînage dans le sol autour de l’abside pour la consolider (J. Desgouttes, géomètre architecte d’Anse).

Restauration


En 1972, les murs ont été décapés à l’extérieur et enduit à l’intérieur. De 1996 à 2007, de nouveaux vitraux sont réalisés par le maître-verrier Gérard Geiss placé ceux qui avaient été détruits par l’explosion du pont en 1944. L’association des Amis de l’Eglise de Saint-Bernard puis l’Association Spinosa depuis 2014 gérent la mise en valeur de l’édifice.

Les murs qui se prolongent en ligne droite de l’ancienne façade jusqu’à l’abside suggèrent un plan d’origine à nef unique et abside, sans travée de chœur

Description

(plan fig. 1 et vue d’ensemble fig. 2)

Façade

L’église se présente maintenant avec un clocher en partie médiéval en façade, accompagné par un portail gothique flamboyant à pinacles qui d’après la tradition proviendrait des bâtiments abbatiaux de Saint-Barnard de Romans soit à la Révolution qui mit en vente des parties du cloître de cette abbaye soit vers 1840 lorsque les édiles municipaux poursuivirent la destruction du cloître. Ce portail donne accès à un porche établit au sud du clocher et dans lequel s’ouvre le portail roman de la façade primitive (fig.3 et 4). Les deux chapiteaux du portail sont décorés d’écailles et de languettes que l’on retrouve dans la chapelle Saint-Léger de Savigny et plus tard au chevet Saint-André de Bâgé ; les abaques et les bases des colonnes sont également décorés (fig. 5).

Nef (12,50/8m)


Construite en moellons irréguliers et dans ses dimensions d’origine, elle est éclairée de grandes fenêtres modernes mais on distingue la trace de quatre fenêtres étroites au sommet du mur nord et sud bien visibles à l’extérieur et laissées apparentes à l’intérieur de la nef et de la travée de chœur. Elle est toujours couverte d’une toiture à charpente apparente (elle fut plafonnée jusqu’au début des années 1970). Une porte romane ouvrait au nord-ouest à proximité de l’ancien chaînage de la façade : ses piédroits sont visibles à l’extérieur et son arc en plein cintre apparaît à l’intérieur au-dessus de la cuve baptismale à une faible hauteur ce qui suggère que le sol roman était à près d’un mètre plus bas ; une autre porte ouvrait au sud-est. (fig. 6) ; les traces d’une fenêtre peut-être gothique sont visibles au sud et des contreforts modernes sont venus contrebuter les murs

Travée de chœur


La travée de chœur est couverte d’une voûte d’arêtes qui repose sur de puissants arcs latéraux et à l’ouest sur deux murets de faible épaisseur qui supportent le nouvel arc triomphal en plein cintre. Elle a été installée comme à Amareins et Versailleux dans un édifice à nef unique se prolongeant jusqu’à l’abside (17m à l’origine) ; installation contemporaine de la reconstruction de l’abside. On peut supposer que les murs gouttereaux sont romans alors que les fenêtres sont modernes mais la restauration a laissé apparents les piédroits d’une petite fenêtre haute de l’ancienne nef, au nord et au sud.

Abside


L’abside était peut-être, à l’origine et d’après les textes, ornée d’une arcature mais, en mauvais état, elle a été reconstruite en 1880 et présente actuellement une partie droite dont les portes ouvrent sur deux sacristies latérales et un hémicycle dont la triple arcature repose sur des pilastres lisses. Les moellons sont disposés en assises régulières percées de trois fenêtres assez larges au linteau échancré et pourvues d’un léger chanfrein. La partie romane s’interrompt à l’entrée de l’abside qui est encadrée de deux chapiteaux. Ceux-ci sont également pourvus de languettes parfois associées à des tiges ou à des boules avec un cercle encadrant quatre boules dans la partie centrale qui rappellent les chapiteaux de la croisée Villars, de la chapelle Saint-Léger de Savigny ou plus loin de la crypte de la cathédrale d’Aoste (premier quart du XIe siècle) (fig. 7 et 8).

Datation


Une église à plan simple à l’origine, nef unique et abside dont les chapiteaux du portail et de l’entrée de l’abside remontent au XIe siècle par comparaison avec Rancé, Villars, Savigny et Aoste.

Sources

  • A. D. Ain, bibl., Ms Bazin (v. 1850), abbé Ledon, Notice historique sur Saint-Barnard, Gorini, Janvier-Avril 1941
  • N. Matur, Saint-Bernard à travers le temps, 2007
  • Ch. Bonnet, R. Perinetti, Remarques sur la crypte de la cathédrale d’Aoste, Sovrintendenza al Beni Culturali della Valle d’Aosta, 1997
  • O. Puel, Archéologie d’un monastère lyonnais. Histoire monumentale et organisation spatiale des édifices cultuels et conventuels, Thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2, 3t., 2013.